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Etat de la liberté d’association et de réunion au Maroc (Blocage, avancées, recommandations)

La situation relative aux droits de l’Homme en général, et à la liberté d’association, en particulier, s’est significativement améliorée à la fin des années quatre-vingt-dix, avant de connaître une certaine stagnation. Les évènements qui s’étaient produits à Sidi Ifni avaient constitué une source d’inquiétude toute particulière pour les associations de défense des droits de l’Homme. Ils viennent attester que les acquis en matière de droits de l’Homme restaient fragiles.

Cette année, la situation relative à la liberté d’association n’a que peu évolué. En effet des obstacles à la liberté de réunion et les difficultés d’enregistrement d’un certain nombre d’associations ont toujours perduré.

L’exercice de la liberté d’association est limité par certains textes législatifs qui restent fondés sur une approche sécuritaire et répressive. Elle se traduit par la réticence des autorités administratives vis-à-vis de l’application des dispositions des lois en vigueur.


Avancées mitigées

Suite au Mouvement du 20 février et dans la continuité des révolutions arabes, le Maroc s’était doté en 2011 d’une nouvelle constitution, adoptée par référendum, qui consacre notamment les libertés d’opinion et d’expression, d’association, de rassemblement et de manifestations pacifiques.

Le Royaume est par ailleurs lié par les obligations juridiques contenues dans les nombreux instruments et textes internationaux qu’il a ratifiés. Toutefois, en raison des sujets qu’elles défendent, certaines organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits humains opèrent dans un contexte de surveillance, les droits inscrits dans la Constitution étant peu à peu respectés par les autorités administratives et policières.

Cette situation s’est accélérée en 2014, suite au discours du Ministre de l’intérieur devant le parlement, qui accusait les associations de défense des droits humains de recevoir des fonds de l’étranger pour entreprendre des actions nuisant à la sécurité et à l’image du Maroc.

Les entraves dans les procédures d’enregistrement (refus de dépôt, délais), y compris pour des associations emblématiques de la défense des droits humains au Maroc, empêchent les ONG d’exister juridiquement de se pourvoir en justice. Il existe également de nombreuses entraves dans la tenue de leurs activités (manifestations, réunions publiques).

Malgré une jurisprudence favorable aux ONG de défense des droits humains, les autorités marocaines sont un peu réticentes par ailleurs presque toujours les actions des ONG étrangères ou de leurs branches marocaines.

Enfin, leur accès aux financements est entravé par l’absence d’enregistrement ou de récépissé définitif, empêchant les ONG d’ouvrir un compte bancaire et limitant le soutien financier qui leur est porté. Un autre obstacle se dressant devant les ONG est la nouvelle obligation faite aux bailleurs de fonds internationaux de contacter le ministère des Affaires étrangères marocain avant tout financement accordé aux associations marocaines.

Si ce nouveau mécanisme vise officiellement à lutter contre le financement des groupes terroristes, il est à craindre qu’il puisse être utilisé afin de maîtriser le financement notamment des ONG indépendantes et critiques de la situation des droits humains au Maroc. Cette asphyxie progressive des associations indépendantes s’effectue alors que le pays est confronté à de nouveaux mouvements sociaux depuis fin 2016, dans un contexte où la contestation et les manifestations dans le Rif risquent de se transformer en nouvelles violences.


Blocages et entraves

Entraves à l’enregistrement des ONG Des experts ont fait remarquer les difficultés pratiques rencontrées par les ONG marocaines pour se faire enregistrer. De telles entraves restreignent en outre le droit de s’associer librement et de solliciter, recevoir et utiliser des fonds publics ou d’autres contributions. En effet, un nombre croissant d’associations et organisations de défense des droits humains fait face à divers obstacles au cours de leur demande d’enregistrement. La procédure d’enregistrement prévue par la Loi sur les associations est lente en termes de pratique.

Les organisations de la société civile rapportent être confrontées à un refus de délivrance de récépissé définitif, un refus de délivrance de récépissé provisoire, des demandes de pièces justificatives non prévues par la loi, telles que le casier judiciaire du demandeur, voire dans certains cas un refus de dépôt de dossier de demande de déclaration auprès de l’autorité administrative locale. Ainsi, depuis 2014, plusieurs organisations de défense des droits humains ont fait l’objet de délais injustifiés et/ou d’opposition dans la réception de leurs récépissés.

Entraves aux activités organisées par les ONG La répression des ONG indépendantes s’est accentuée en 2014 lorsque le ministre de l’Intérieur, Mohammed Hassad, dans un discours au Parlement sur la lutte contre le terrorisme dans le Royaume, a accusé les organisations engagées dans la défense des droits humains de répondre à des agendas étrangers et de recevoir des financements de l’étranger afin de mener des actions nuisant à la sécurité et à l’image du Maroc. La rhétorique gouvernementale amalgame ainsi volontairement le travail des ONG de défense des droits humains au terrorisme et à l’extrémisme religieux.

Les événements organisés par des ONG sont de manière quasi systématique interdits ou empêchés sans notification préalable et au dernier moment, soit de manière informelle (dans la majorité des cas), soit pour des motifs discrétionnaires émanant des autorités marocaines et sans fondement légal.


Recommandations

La CIDH se joint aux ONG pour demander au Royaume du Maroc de se conformer à ses engagements internationaux relatifs au droit à la liberté d’association et recommande aux autorités marocaines de: - respecter les droits garantis par les instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains ratifiés par le Maroc, en particulier s’agissant de la liberté d’association, de réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique et d’expression, - mettre en œuvre les recommandations des organes internationaux et régionaux de protection des droits humains, en particulier les observations finales du CCPR de l’ONU, concernant le sixième rapport périodique du Maroc de 2016 et les recommandations formulées lors de l’EPU 2017, - respecter les dispositions de la Déclaration des Nations unies de 1998 sur les défenseurs, notamment ses articles 5, 12 et 13 qui garantissent le droit de se rassembler pacifiquement, de former des organisations, associations ou groupes non-gouvernementaux, de s’y affilier et d’y participer ainsi que de communiquer avec des organisations non gouvernementales ou intergouvernementales dans le but de promouvoir et protéger les droits humains et les libertés fondamentales ainsi que «le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de solliciter, recevoir et utiliser des ressources dans le but exprès de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales par des moyens pacifiques»; - inviter les rapporteurs spéciaux des Nations unies et de la CADHP sur le droit de réunion pacifique et d’association et sur la situation des défenseurs des droits humains, - mettre fin aux pratiques de refus de délivrance de récépissé définitif et provisoire, de refus de dépôt de dossier de demande de déclaration des associations, de demande de renouvellement et tout autre obstacle à l’enregistrement des associations et restrictions injustifiées au droit à la liberté d’association,

- enquêter et mettre fin à l’impunité des autorités qui enfreignent la loi en matière de droit d’association en refusant de recevoir les dossiers et/ou de délivrer le récépissé; - réviser le Dahir (Décret royal) n°1.58.376 de 1958, amendé en 2002, afin de faciliter les conditions de création et de renouvellement des associations et d’en empêcher l’interprétation restrictive, - annuler immédiatement l’application de la note du Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération marocain en date du 27 mars 2017 sur le financement des associations. - exécuter immédiatement les décisions rendues par la justice marocaine en faveur des ONG victimes de restrictions.

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