En Afrique du nord, beaucoup de lois qui visent la lutte contre la cybercriminalité privent beaucoup de citoyens de la jouissance de leurs droits fondamentaux.
L’utilisation massive des réseaux sociaux constitue un couteau à double tranchant. Dans certains cas, cela a permis le changement du régime politique anti-démocratique dans certains pays. Dans d’autres situations, cela a contribué à la désinformation.
L’exercice des libertés d’association et de réunion ne se limite plus seulement à des rencontres physiques. De plus en plus l’Internet est utilisé comme moyen pour exercer ces libertés.
Dans plusieurs pays, les garanties constitutionnelles portant sur les libertés d’association et de réunion sont souvent compromises par l’adoption de certaines lois.
Souvent, il s’agit de lois contre la calomnie et la diffamation qui infligent des sanctions sévères et qui prêtent à des intrigues politiques. L’Internet et les réseaux sociaux ont accru la capacité de la société civile à exprimer son opinion. Cependant certaines libertés publiques semblent de plus en plus mises en péril dans cet univers numérique. Ce dernier est fréquemment soumis à de nouvelles dispositions juridiques qui lui sont souvent néfastes.
Garanties constitutionnelles des libertés d’association et de réunion
Parallèlement à la liberté d’association, les pays d’Afrique du Nord disposent de constitutions qui garantissent le droit à la liberté de réunion pacifique. De même que pour la liberté d’association, ces lois fondamentales disposent souvent des restrictions à cette liberté. Elles sont liées en général à la sécurité publique, à l’ordre public et à la morale.
Encore une fois, il y a d’importants écarts entre les dispositions constitutionnelles ainsi que légales et la pratique. Au niveau législatif, la distinction principale entre les pays d’Afrique du Nord se situe au niveau des obligations que doivent respecter les OSC pour organiser une réunion publique. Dans certains pays, elles ont besoin d’une autorisation préalable et dans d’autres, il suffit d’une simple notification informant les autorités de la tenue d’une assemblée.
En Égypte
Au titre de la Loi n° 70 de 2017, les personnes qui ne font pas enregistrer leurs ONG sont passibles d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. Ce même texte précise que « la création ou la gestion d’un organisme exerçant des activités décrites dans cette loi comme des activités de la société civile sous toute autre forme que celles décrites dans la loi » est passible d’une peine d’un an à cinq ans de prison et d’une amende de 50 000 à un million de livres égyptiens (2 800 à 56 000 dollars).
M. Mohamed al taher de l’association pour la liberté de pensée et d’expression affirme : « Jusqu’à présent, la loi n° 70 n’a pas directement affecté le travail de notre organisation, car nous sommes un cabinet juridique et sommes donc soumis à d’autres réglementations. Cependant, nous constatons que les organisations indépendantes de la société civile en Égypte font l’objet de harcèlement, d’hostilité et d’une pression constante de l’État, en vue de limiter leurs activités, les fermer ou les pousser à partir à l’étranger. Toutes les organisations égyptiennes de défense des droits humains enregistrées en tant qu’associations sont dans l’incapacité de mener leurs activités, en raison des obstacles qu’elles rencontrent pour obtenir des financements étrangers et de l’interférence des forces de sécurité. »
En 2013, l’Égypte a adopté la Loi N° 107 sur le droit à des réunions publiques, les marches et manifestations qui imposent des restrictions aux manifestants et aux organisateurs de manifestation. L’Article 10 de la nouvelle loi permet au Ministère de l’Intérieur de s’opposer à l’organisation de manifestations basées sur des motifs vagues, telles que des informations sur les menaces à la sécurité ou à la paix. En conséquence, le droit des individus de se réunir pacifiquement dépend de l’obtention de l’autorisation préalable des agents de l’ordre et/ou de sécurité.
Aussi, la Loi n° 70 de 201765 a maintenu les restrictions et réglementations des organisations internationales de la société civile imposant des obstacles injustifiés à l’enregistrement des organisations, puisque les autorités peuvent rejeter les demandes d’enregistrement des ONG pour des motifs vagues. La loi permet également aux autorités de dissoudre des ONG et d’engager des poursuites pénales contre les membres du personnel de ces ONG pour des infractions formulées en des termes vagues comme « atteinte à l’unité nationale et trouble à l’ordre public ».
Le haut-commissaire aux droits de l’homme ONU a souligné : « la nouvelle législation impose des restrictions si sévères à la société civile qu’elle transfère concrètement la direction des ONG au gouvernement. Le rôle crucial de ces ONG (responsabiliser l’État en matière d’obligations relatives aux droits de l’homme) a déjà été gravement entravé par le gel des avoirs, les interdictions de voyager, les campagnes de diffamation et les poursuites. Cette nouvelle loi resserre encore l’étau ».
En Algérie
La loi Algérienne sur les Réunions et Manifestations Publiques (1990) exige que les manifestants informent le gouverneur huit jours avant l’événement prévu. Le Gouverneur a le droit de rejeter la demande par écrit cinq jours avant la date prévue sans préciser les motifs pour lesquels la demande a été rejetée. En outre, comme la loi Libyenne, cette Loi ne reconnaît pas les manifestations spontanées et les considère comme une infraction punissable. Il interdit également toute réunion ou manifestation censée de s’opposer aux symboles nationaux, à l’ordre public, à la morale publique ou à la Révolution de Novembre. Cependant, contrairement à la loi Libyenne, l’Algérie permet aux organisateurs le droit de faire appel devant le tribunal administratif pour contester la décision d’interdiction.
La Lybie
Elle a également restreint la liberté de protester en utilisant les règlements administratifs. Les Articles 2 et 3 de la Loi N° 65, adoptés en 2012 et régissant les manifestations publiques, interdisent les rassemblements qui pourraient conduire à l’obstruction des services publics sans que le gouvernement doive fournir d’autres emplacements. Les autorités utilisent l’excuse de l’obstruction pour restreindre la jouissance de ce droit.
L’Article 5 de la même loi exige que les organisateurs des réunions et manifestations notifient aux autorités concernées quarante-huit heures avant l’événement et donnent aux autorités le pouvoir de modifier l’heure et le lieu de la manifestation en vertu de l’Article 6.
Par exemple, la Loi sur les associations en Libye stipule que le nombre de fondateurs devrait être d’au moins 50. La loi sur l’association Algérienne (1990) a des exigences strictes en matière d’adhésion aux niveaux municipal, étatique et national.
Par exemple, les organisations nationales doivent avoir 25 membres pour des associations et au moins 12 sections dans différents états. La société civile et les ONG sont confrontées à des problèmes de fermeture arbitraire et de radiation d’associations par le biais d’ordonnances administratives sans décision judiciaire. Les normes internationales exigent que de telles décisions sur la fermeture ou la radiation d’organisations ne soient effectuées qu’après l’achèvement de toute la procédure judiciaire, y compris l’épuisement de toutes les voies d’appels et/ou de recours. Toutefois, les lois en vigueur dans les pays couverts par la présente étude ne suivent pas ces directives.
En Mauritanie
Au titre du cadre juridique actuel relatif aux associations, des dizaines d’organisations œuvrant en faveur de la promotion et de la défense des droits humains se sont vues refuser l’autorisation de mener leurs activités. Parmi ces organisations, figurent l’association de jeunes pour la démocratie Kavana « Ça suffit », l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), mouvement de lutte contre l’esclavage, et le Collectif des veuves de Mauritanie, association regroupant les proches de victimes d’exécutions extrajudiciaires. La loi actuelle est arbitraire et opaque, ce qui permet aux autorités de cibler les groupes qui expriment des opinions dissidentes, notamment les groupes de défense des droits humains qui font campagne pour mettre un terme à l’esclavage et à la discrimination.
De plus, les organisations doivent obtenir l’autorisation préalable du ministère de l’Intérieur avant de pouvoir mener leurs activités. Bien que les organisations n’ayant pas obtenu cette autorisation soient tolérées, leurs membres et les personnes participant à leurs activités vivent dans la crainte d’être poursuivis en justice en raison de cette situation illégale ou de ne pas pouvoir recevoir de financement. Des dizaines de défenseurs des droits humains ont été arrêtés arbitrairement en raison de leur appartenance à des associations non autorisées.
Maroc
La loi Marocaine sur l’Assemblée Publique (1958) exige aux organisateurs d’obtenir une autorisation préalable au moins trois jours ouvrables avant la date d’une manifestation proposée. Les autorités administratives sont habilitées à interdire la manifestation si elles pensent que cela va perturber la sécurité publique et toute manifestation non autorisée entraîne une peine d’emprisonnement allant d’un à six mois et une amende allant de 250 à 5,000 dirhams (26 - 520 USD). Les mêmes sanctions s’appliquent à quiconque participe à une manifestation non autorisée, fournit de fausses informations sur la manifestation ou organise une manifestation, soit avant le dépôt de la demande, soit après que l’événement ait été interdit. Il existe également des restrictions administratives telles que l’exigence pour l’organisation d’avoir un nombre minimum de fondateurs.
Conclusion
En Afrique du Nord, la législation régissant les associations porte atteinte à la liberté inhérente de pratiquer ce droit en imposant l’approbation préalable des autorités avant qu’une organisation ne soit reconnue comme légitime. Les lois actuelles exigent que les personnes qui souhaitent créer une ONG suivent des procédures spécifiques et soumettent une demande aux organismes de réglementation dans leurs pays respectifs. Dans des pays comme l’Égypte, la Libye, l’Algérie et le Maroc, la société civile doit fournir des informations sur les fondateurs et le Statut de l’Organisation.
Les lois régissant une association en Egypte, en Algérie et au Maroc habilitent les services de sécurité à effectuer des vérifications d’antécédents sur les fondateurs d’une association et leurs activités avant l’approbation de l’enregistrement.
En outre, les ministères chargés des affaires intérieures ont la capacité d’approuver ou de rejeter les fondateurs ainsi que les objectifs et les domaines de travail d’une organisation.
Au Maroc et en Algérie, le ministère public a la possibilité de s’opposer à la création d’une association ou de révoquer l’autorisation d’une association avant même qu’elle ne commence son activité.
Les autorités freinent souvent les tentatives d’enregistrement des associations en refusant de délivrer les documents appropriés qui pourraient permettre aux associations de prouver leur personnalité juridique. De telles actions obligent les associations à agir en-dehors du cadre de la loi, ce qui les expose à des conséquences juridiques.
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